Race across France 2023
Je rejoins Le Touquet Paris Plage le 19 juin pour y passer quelques jours tranquilles avant le grand départ le 22 juin. J'envisage quelques sorties à vélo pour explorer les environs, mais surtout du repos pour accumuler un peu de capital sommeil avant la longue période de privation. Je suis rejoint par Gregory, un compatriote suisse de Neuchâtel qui participe également à la course, sa première grande ultra. Pour moi, c'est également la première course aussi longue. Au-delà de la distance, c'est surtout le dénivelé qui me fait peur. Vous le savez, je ne suis pas un grimpeur, je suis même probablement le coureur le plus lourd à prendre le départ. Un joli test pour un cycliste XL !
Nous récupérons nos dossards le 21 juin et procédons aux derniers préparatifs. Ce sera l'occasion de finaliser la préparation de mes drop bags et de questionner mes choix de matériel pour la énième fois. Le lendemain matin, il est enfin trop tard pour tout changer, mes sacs sont faits, mon vélo est prêt et il ne reste plus qu'à patienter jusqu'à 17h53, heure de mon départ. Attendre son départ toute la journée, c'est long. Finalement, la course commence et les premiers partent dès 17h00, un départ a lieu toutes les 30 secondes, ceci pour éviter la formation de groupes et les bénéfices d'aspiration qui vont avec. Après que les 105 premiers coureurs se soient élancés, c'est mon tour, et c'est donc à 17h53 que je prends le départ de ce qui va vite devenir la semaine la plus dure de ma vie.
Je commence comme d'habitude plein d'euphorie, peut-être un peu trop, car après seulement 1 à 2 km, je me perds et fais un détour de 10 minutes au Touquet. Je retrouve la trace et croise des dossards ayant commencé bien 10 minutes après moi. Rien de grave, mais frustrant. Je me fais notamment dépasser par Victor Bouscavet, futur vainqueur de la course, qui est parti avec un rythme effréné, c'était impressionnant. Je me mets dans mon rythme et roule vite, il faut que je capitalise sur la première partie du parcours qui est la seule section relativement plate de toute la course. Je roule entre 30 et 35 km/h et rattrape de nombreux participants dans les premières heures.
J'arrive au CP1 à Lille après 7h20 de course et 230 km parcourus. Le plat étant à mon avantage, je suis à ce moment classé parmi les 5 à 10 premiers. Jusque-là, je me sens bien. Je me ravitaille rapidement à la base de vie et repars après 10 minutes pour attaquer le reste de la nuit. Je maintiens mon rythme au long de la nuit lors de laquelle je rencontre Daniel, un Allemand qui terminera finalement 4ème de la course. Nous roulons plus ou moins 200 km ensemble, toujours à bon rythme, jusqu'à ce que je commence à fatiguer et me sentir moins bien vers 14h le vendredi.
Je perds Daniel que je ne reverrai pas avant l'arrivée, mais je rattrape peu après Loïc Lecoultre qui participe à la RAF pour la 4ème fois sans l'avoir jamais terminée. Loïc, bien que plus âgé, est un peu comme moi : un poids lourd de plus de 90 kg qui s'attaque à ce challenge assez fou qu'est la RAF. Nous échangeons un moment, puis je prends de l'avance. Je suis vite rattrapé par ma fatigue et décide de m'arrêter au Burger King à Metz après 620 km parcourus en 32h46, à ce moment, je suis 7ème au classement. Loïc me rattrape alors que je déguste mon double menu et nous décidons de continuer ensemble jusqu'aux Vosges, premier massif de la course. Nous roulons jusqu'à Lourquin où nous arrivons vendredi vers 23h et décidons de prendre un hôtel afin de recharger nos batteries et partir dans les Vosges le plus frais possible. À ce moment, j'ai couvert 730 km en un peu plus de 29h.
Après 3h30 de sommeil, nous reprenons le départ ensemble pour attaquer les Vosges. Heureusement que nous étions ensemble d'ailleurs, car j'ai manqué mon réveil… Sans Loïc pour me réveiller, ça aurait été la cata… Ce matin-là, je ne suis vraiment pas en forme et avance très lentement toute la matinée, je me sens vide. Le passage des Vosges est celui qui me faisait le plus peur, 240 km et 7000 m de dénivelé positif, le premier vrai test de la course. C'était bien d'être avec un compagnon poids lourds comme Loïc avec qui on pouvait avancer lentement mais sûrement. La région est magnifique, parsemée de sublimes forêts et villages bucoliques d'Alsace.
L'après-midi, je rencontre mes premiers problèmes en crevant une première fois à l'arrière. Roulant en Tubeless, j'essaie de réparer la crevaison, mais rien à faire, je mets donc une chambre à air et tout va bien, je peux continuer. Loïc avait alors pris de l'avance et je m'étais déjà fait dépasser par plusieurs autres coureurs. 60 km plus tard, je crève à nouveau, le même pneu… Ennuyé, je démonte le tout, trouve le trou et mets une rustine. Je fais le tout trop vite et ne prends pas le temps de bien contrôler le pneu car je crève à nouveau 5 d'inuites plus tard : il devait rester un éclat dans le pneu. Je me rends compte que je n'ai plus de rustines et que je n'ai qu'une chambre à air restante, mais que celle-ci est trop petite pour mon pneu arrière (pneu de 30 mm, chambre pour max 28 mm). Je regrette mes choix et me retrouve bien embêté. Je suis contraint de rouler avec une chambre à air trop petite et aucune solution de secours en cas de nouvelle crevaison. C'est le stress. Ma course pourrait s'arrêter là. J'ai 40 km à parcourir jusqu'à Munster où il y a un magasin de vélo. 40 km de stress, conscient des conséquences qu'aurait une crevaison. J'arrive finalement à Munster sain et sauf et me précipite vers le premier magasin de vélo que je trouve. Mais évidemment, ils n'ont pas de chambres à air compatibles avec mes roues profilées. Je décide donc d'acheter un pneu arrière plus fin (28 mm) qui est compatible avec ma chambre arrière. Une situation loin d'être idéale, mais une situation déjà légèrement meilleure. Je dois encore parcourir 80 km sans crever jusqu'à Mulhouse. Un stress ajouté dont je me serais passé. Après avoir perdu un total d'un peu plus de 2h au total avec ces mésaventures, je repars de Munster pour enchaîner le Petit Ballon et Platzerwasel, deux cols super difficiles pour clore le chapitre des Vosges. Je retrouve ma forme et je roule bien, j'enchaîne les deux ascensions sans trop de problèmes et redescends vers Mulhouse avec un magnifique coucher de soleil.
J'arrive finalement seul au CP2 à Kingersheim le samedi vers 23h. À ce moment, j'ai parcouru 1000 km en 52h37 et je suis 20ème. J'ai donc perdu beaucoup de temps lors de cette traversée des Vosges, mais je suis toujours là et je me sens bien. Je me douche et mange un plat chaud à la base de vie où je passe près de 2h sans dormir. Me sentant bien et pas fatigué, je décide de repartir afin de rattraper le retard accumulé dans la journée. Je repars vers 1h du matin en 12ème place pour prendre la route du Jura.
Plus tard la nuit, rattrapé par la fatigue, je décide de dormir 1h dans un abribus avant de repartir. J'avance bien et en s'approchant du Jura je rattrape Rudy et Sébastien avec qui nous dévalisons la boulangerie de Saint-Hyppolyte vers 6h30 du matin. On s'entend tout de suite dès bien et on roule une bonne partie de la journée ensemble. Ce jour là il fait extrêmement chaud et les possibilités de ravitaillement sont rares. Peu avant midi, j'ai la bonne surprise de croiser Balthazar et Paul qui ont décidé de venir partager un bout de route avec moi.
On s'arrête à Pontarlier (km 1163) our dévaliser la deuxième boulangerie de la journée. On y croise Eric Leblacher, un ancien coureur professionnel qui participe à sa 4ème RAF et qui a même terminé 4ème en 2022. On repars tous de Pontarlier seuls pour continuer le Jura à notre rythme. Un peu plus tard, après avoir croisé mes parents et m'être séparé de Balthazar et Paul, je me retrouve seul pour continuer cette traversée du Jura.
Entre le soleil et le vent de face, l'après-midi s'avère difficile et j'ai du mal à profiter. J'avance lentement et péniblement. Lors de la dernière ascension je retrouve Sébastien qui mangeait des Churros à l'abri du soleil, on repart ensemble pour mettre ce segment difficile derrière nous au plus vite.
On croise Éric à plusieurs reprises. Éric a une stratégie des plus intéressantes, il nous rattrape dans les montées, puis 10 minutes plus tard nous l’apercevons allongé et endormi au bord de la route. Puis quelques heures plus tard, il nous rattrape à nouveau, et ainsi de suite. On trouve ça drôle et on surnomme Éric “Le Buissonneur”. On continue avec Sébastien et on passe enfin Bellegarde, le Jura c’est fini. Je fais l’erreur de ne pas m’arrêter à Bellegarde et on continue direction Chambéry où on planifie de passer la nuit. C’est dimanche et les options de ravitaillement sont rares. Je n’ai plus grand-chose et on ne trouve rien. Finalement, on s’arrête à un distributeur de Pizza où on se prend une pizza chacun. La route continue direction Chambéry avec le Col du Chat, une ascension courte mais difficile. À ce moment-là, je n’ai toujours pas trouvé un endroit pour faire des réserves de nourriture pour la nuit et le lendemain, l’inquiétude s’installe. Seb a réservé un hôtel pour la nuit où il compte dormir 4h, de mon côté je planifie de dormir 2h dans un parc au Bourget (Chambéry) avant de repartir. Mais peu avant d’arriver, je fais une grosse fringale, je suis à sec et j’ai faim, il ne me reste même pas une barre. Je réalise que la nuit va être compliquée et j’entre dans une spirale négative. Je perds Seb dans l’ascension du col et redescends sur le Bourget seul. Envahi par la fatigue, la faim et les pensées négatives, je pleure sur mon vélo. J’arrive au Bourget vers 23h et j’ai le malheur de réaliser qu’il n'y a plus rien d’ouvert et qu’il me sera impossible de me ravitailler avant le lendemain matin 6h. Impossible d’attaquer les Alpes sans rien à manger. Je décide donc de me coucher jusqu’à 5h du matin pour attendre la réouverture des premiers commerces. Une perte de temps énorme qui me coûtera finalement jusqu’à la fin de la course. Rongé par la faim et la stupidité de mon erreur, je ne dors pas bien et je repars le lundi matin peu après 5h pour m’attaquer au premier gros segment des Alpes. Je repars seul en constatant que j’ai pris 3-4h de retard sur Rudy et Sébastien, un autre coup au moral. Je m’arrête dans une boulangerie vers 6h, je fais le plein et me remplis les poches pour la journée. Dans l’attaque des premiers cols, la forme et la bonne humeur reviennent, je croise plusieurs participants avec qui j’échange chaque fois brièvement. Je suis à ce moment plus ou moins 20ème. La principale difficulté de la journée est le Col de la Colombière, comme je m’y attendais, je monte plus lentement que les autres qui jouent le haut de classement et je me fais rattraper par 2-3 coureurs. Enfin au sommet, je m’arrête pour remplir mes gourdes, boire un Coca, à ce moment un participant passe et me dit que Loic arrive et qu’il me cherche. Je suis refait. Surexcité à l’idée de retrouver mon compagnon de début d’aventure, j’en viens même à redescendre de quelques centaines de mètres pour le rejoindre. On rigole un coup et on attaque la descente avant de rejoindre la dernière ascension jusqu’à Megeve: la troisième et prochaine base de vie. Arrivé au pied de la Colombière, je me rends compte que dans l’euphorie j’ai oublié mes gourdes au sommet du col, décidément je suis vraiment un grand débile. Je fais le plein de Coca et on monte à Megeve où Loic et moi arrivons ensemble vers 18h. J’ai parcouru 1540km en 96h et suis à ce moment 20ème au classement. La perte de temps de la veille se fait vraiment sentir. Je me sens bien et décide de m’arrêter le moins possible à Megève. Un passage aux toilettes, un repas chaud et c’est reparti. Loic, lui, décide de s’arrêter plus longtemps, je pars donc sans lui. En repartant, je croise Benjamin Hily qui est aussi sur le départ, on décide d’attaquer les prochains cols ensemble. Au menu du soir, deux grands cols alpins nous attendent: le Col des Saisies, le Col de la Madeleine et le Col de Chaussy.
Avec Benjamin on forme rapidement une belle entente et on monte à bon rythme, on mange une pizza au Col des Saisies vers 21h et on redescend sur Albertville pour rejoindre le pied du Col de la Madeleine: un monstre de 25km à 7%.
Pris de fatigue, Benjamin s’arrête faire une sieste dans la montée, je continue et arrive au sommet seul vers 1h du matin. A ce moment là je suis 14eme au classement, le décision de quitter Megève rapidement semble porter ses fruits.
Après une descente glaciale, j'enchaîne immédiatement avec le Col de Chaussis, un col plus court mais plus raide que j'ai trouvé particulièrement dur, surtout de nuit. Je m'arrête dans la montée pour dormir 1h devant une église avant de redescendre sur Saint-Jean de Maurienne par les célèbres lacets de Montvernier. Alors que je dévalise ma énième boulangerie du voyage, je suis rejoint par Benjamin. Contents de se retrouver, on attaque le troisième gros bloc des Alpes : Col du Mollard, Col de La Croix-de-Fer et le Col d'Ornon. La journée est difficile, on avance lentement. Benjamin s'arrête plus souvent que moi, mais finit toujours par me rattraper. L'après-midi est marquée par un fort vent de face à l'approche de Grenoble, ce qui rend la journée mentalement très difficile. On termine la journée en remontant sur Saint-Nizier et en profitant de la magnifique descente dans les gorges du Vercors. On arrive finalement ensemble au CP4 à Saint Jean en Royans vers 23h. En arrivant à la base de vie, j'ai parcouru un total de 1900km en 122h et me retrouve à la 13ème position. Ironiquement, je suis finalement remonté au classement dans les Alpes. Alors que j'arrive, je croise Sébastien qui s'apprête à repartir, ça fait plaisir de le revoir, bien que l'écart nous séparant soit alors important. Je décide de dormir 4h à la base de vie avant de reprendre le départ pour les derniers 600kms. Je reprends la route vers 4h du matin, toujours en 13ème position. À ce moment, Benjamin, lui, dort encore et ne repartira qu'une ou deux heures après moi.
Les derniers grands cols m'attendent ce jour-là. Tout d'abord, la montée dans le Vercors, puis le Col de Grimone, avant d'attaquer le plus haut sommet de cette édition de la RAF : le Col de la Cayolle, à 2326 mètres d'altitude. Il fait chaud et, comme d'habitude, je ne vais pas très vite. Néanmoins, les écarts se resserrent et une bonne journée pourrait me mettre en position de lutte pour le top 10. Les options de ravitaillement sont extrêmement limitées ce jour-là.
Benjamin me rattrape rapidement, puis me distance directement derrière. Je monte le Col de la Cayolle seul, l'ascension est interminable, j'en ai marre des cols, je ne prends pas de plaisir et je me réjouis que ça soit fini. À quelques kilomètres du sommet, je crève à nouveau. Pour crever en montée, il faut vraiment le vouloir. Je change de chambre à air et cinq minutes plus tard, je crève à nouveau, payant le prix de mon impatience. Cette fois, je prends le temps et fais les choses correctement. Après une grosse demi-heure de perdue, je me fais rattraper par deux coureurs avec qui nous terminons l'ascension et redescendons sur la dernière base de vie de la course à Guillaumes. J'arrive à Guillaumes peu avant 22h en 16ème position après 2200 km et 147h de course. En arrivant, je réalise que la plupart de mes compétiteurs sont en train de dormir à la base de vie. En me renseignant, j'apprends qu'ils prévoient de partir vers minuit. Je décide de faire une sieste de 30 minutes pour repartir vers 23h et prendre de l'avance sur les autres, c'est un peu un coup de poker car avec 2h de sommeil en moins et seulement 1h d'avance, il allait être difficile de tenir jusqu'au bout. Satisfait de mon plan et espérant passer inaperçu, je me mets à l'écart des autres qui dorment. Après 30 minutes, mon réveil sonne, j'ouvre les yeux, et je vois Benjamin qui me fixe et me dit "Mec tu pars maintenant ?". Je réponds que oui et il dit immédiatement qu'il part avec moi. Mon masterplan a presque fonctionné… On repart donc avec Benjamin vers 23h pour s'attaquer aux derniers 280 km de la course. À ce moment-là, nous sommes tous les deux juste en dehors du top 10, tout est donc encore à jouer ! À peine repartis, qu'on passe au travers de quelques courtes mais intenses averses qui garantiront une nuit bien humide. On ne peut pas se plaindre, jusqu'à présent, on n'avait encore pas vu la moindre goutte. La nuit est marquée par de nombreuses courtes et raides ascensions qui me sapent rapidement de mon énergie. Mais le plan semble marcher car aucun des coureurs partis après nous ne sera capable de vraiment réduire l'écart de manière dangereuse. C'était donc entre Benjamin et moi. Plus tard, à la hutte, Ben s'arrête pour dormir 30 minutes, j'y vois là ma chance et augmente le rythme pendant les deux heures qui suivent.
Je suis à ce moment atteint d'une fatigue croissante, avec des premiers débuts d'hallucinations, j'entends des voix et vois des formes, une expérience particulière. Le soleil se lève et j'ai une grosse heure d'avance sur Ben, mais j'ai un gros coup de barre et je commence à m'endormir sur le vélo, je me couche 15 minutes au bord de la route pour chasser le pire de la fatigue. Eric Leblacher, actuellement 10ème, se trouve une trentaine de kilomètres devant et occupe la 10ème place, il semble alors compliqué de rattraper Eric. Même après ma turbo sieste, je me sens toujours mal, je m'arrête à Aups pour le dernier dévalisage de boulangerie de la course, je perds beaucoup de temps et je repousse toujours le moment du départ. Je repars finalement avec une avance de seulement 20 minutes sur Benjamin et m'efforce de maintenir l'écart qui s'effrite gentiment. Il est important de savoir qu'étant parti après Benjamin du Touquet, j'ai une avance de 26 minutes sur lui. Il faudrait donc qu'il termine 26 minutes avant moi pour me battre. Alors que l'écart se réduit, je me trouve dans un état de plus en plus critique et après m'être fait une frayeur sur le vélo, je juge qu'il est plus sage de m'arrêter. Je me ravitaille à un carrefour et, envahi de pensées sombres et négatives, je questionne tout assis sur un banc à l'ombre. J'en viens même à questionner mes capacités à terminer la course, alors qu'il ne reste plus que 70 km. Je suis prêt à abandonner la course au top 10 et accepter de simplement finir. Bref, je suis au fond du trou et remonter sur le vélo semble à ce moment impossible. Je passe vraiment un moment très sombre. Soudainement, l'inévitable, Benjamin me dépasse. Il passe devant le carrefour comme un missile. Je l'appelle, il n'entend pas, il porte des écouteurs, il est dans le tunnel. Au moment de son passage, je me fais comme posséder. C'est difficile de décrire ce qui s'est passé exactement. Mais en voyant Benjamin me dépasser comme ça, j'ai instantanément oublié toute ma fatigue et mes pensées négatives, et je suis remonté sur mon vélo pour me mettre à sa poursuite. Je me suis senti un homme nouveau, possédé par un second souffle sorti de nulle part. La fatigue a disparu et on s'est embarqué dans une lutte de 70 km pour se disputer la 11ème place. Terminer une course de 2500 km sur un contre-la-montre de 70 km a quelque chose d'ironique. Bien entendu, après 2400 km, on n'avance plus très vite, donc l'effort est relatif, mais on a tout donné pendant un peu plus de 3h. En s'approchant de Mandelieu, on constate qu'Eric a explosé et avance très lentement, la 10ème place est alors en jeu. Les derniers 50 km du tracé sont très difficiles avec encore plus de 1000 m de dénivelé et une dizaine de très courtes ascensions. Les kilomètres filent et j'arrive finalement à Mandelieu à bout de force, 22 minutes après Ben, en dixième position. On se félicite avec Ben, avec qui on a partagé de supers moments d'aventures en se poussant l'un l'autre depuis Megève jusqu'au dernier kilomètre de la course. À l'arrivée, je retrouve Sébastien (7ème), Rudi (8ème) et Daniel (4ème). C'est fini, objectif accompli, ça fait plaisir. Moins de 7 jours et un top 10. Il ne reste plus qu'à revenir l'année prochaine !
Note : Il semblerait que, dans l'intervalle, deux coureurs ont bénéficié de réductions de temps de 3-4 heures au classement général. Je n'ai pas vu ces coureurs lors de la course, ils étaient toujours quelques heures derrière notre groupe, et j'ignore actuellement pourquoi leur chrono a été réduit, mais il semblerait que je sois finalement 12ème. Frustrant, mais bon, tant pis, ce n'est pas bien grave !