Race across Paris 2024
Vendredi 26 Avril 2024 - Je prends le train à 7h30 pour me rendre à Chantilly, une petite ville au nord de Paris qui est le lieu de départ de la Race across Paris 2024, la première course de ma saison 2024. En temps normal, je me serais rendu au lieu de départ un jour avant le début de la course, mais étant un objectif secondaire et le départ ayant lieu le vendredi soir, j’ai pris la décision de m’y rendre le jour même. En rétrospective, je pense que c’était une mauvaise décision qui a induit un stress évitable dans les quelques heures précédant la course. Car après un voyage plutôt long de 6-7h, j’arrive à Chantilly vers 15h, soit seulement 6h avant le départ de la course. Et 6h, ça passe vraiment vite, surtout quand il faut remonter son vélo, préparer son matériel, manger, assister au briefing, ré-étudier le parcours une dernière fois… Bref, trop de choses à gérer avant le départ d’une course. Cela ne laisse pas vraiment le temps de s’imprégner de l’ambiance ainsi que de se préparer mentalement et physiquement pour la course. Rien de bien grave, c’est une course plus courte que d’habitude dont le résultat n’occupe qu'une place secondaire dans mon esprit.
Arrivé à la base de vie de Chantilly, le QG de la course, je retrouve de nombreux visages familiers, tant du côté de l’organisation que des compétiteurs, notamment Fabien Dauge qui venait de terminer la course de 1000km à la 9ème place, une belle performance! J’ai rencontré Fabien à la Race across Paris 2023 où nous avions partagé les derniers kilomètres difficiles du 500km ensemble lors d’une nuit glaciale en Avril 2023. Fabien va également participer à la Race across France 2500km, ce sera l’occasion de le retrouver! On a d’ailleurs profité de l’occasion pour planifier un petit voyage de bikepacking de 3 jours dans les Vosges à la fin du mois de Mai afin de tester le matériel pour la Race across France, ça promet d’être bien sympa. Retrouver les visages familiers de l’organisation fait également plaisir, il faut dire qu’après maintenant 4 participations à leurs événements, je commence à bien les connaître.
Après avoir fait le tour des salutations, je prépare mon vélo et le matériel pour la course. Comme d'habitude, quelques questions de dernière minute font surface : Quel vêtement ? Une couche de plus ? Une de moins ? Si il pleut, ai-je vraiment tout ce qu'il me faut ? Ai-je vraiment la bonne quantité de nourriture ? Les grands classiques. La météo incertaine ne facilite pas vraiment les choses, mais il semble alors certain qu'il y aura au moins quelques averses. Après une bonne heure ou deux de préparation et de questionnement, mon vélo est prêt et le plan est clair. Je passe ensuite par l'accréditation afin de faire contrôler mon vélo et le matériel obligatoire. Et là survient le premier gros problème… J'ai été enregistré comme Français ! C'est donc avec un superbe drapeau tricolore sur ma plaque de cadre que je vais devoir traverser la région parisienne. Cette année, les organisateurs ont ajouté un sifflet de secours à la liste de matériel obligatoire. Détail que j'avais omis… heureusement, Fabien me prête le sien. Ça aurait quand même été bête de ne pas pouvoir prendre le départ à cause d'un sifflet…
Vient ensuite le moment du briefing de course lors duquel le programme, le parcours, les règles et toutes les informations pertinentes sont communiquées. L'organisateur confirme alors qu'il y aura bel et bien de la pluie, mais que cela devrait se limiter à quelques averses en début de course. Le briefing est suivi par la traditionnelle Pasta Party, l'occasion de discuter et d'échanger avec d'autres compétiteurs. Nous sommes près de 250 personnes à prendre le départ du 300km. La plupart des participants au 300km sont des novices, des personnes qui découvrent l'ultra distance pour la première fois. Il faut admettre que le format est idéal pour découvrir la discipline car cela te permet de passer une nuit entière sur le vélo dans un environnement de course. Il y a relativement peu de coureurs expérimentés qui prennent le départ de cette distance, je semble être un peu une exception. Pour la plupart, soit près de 200 personnes, c'est la grande première. C'est chouette de voir la discipline grandir et attirer toujours plus de monde.
Il y a 4 catégories : Solo, Duo et Quatuor. En règle générale, les coureurs en solo sont plus rapides que les coureurs en Duo ou Quatuors, ceci est notamment le cas parce qu’en groupe, tu te déplaces presque toujours au rythme du plus lent et que les bons moments de l'un ou de l'autre ne surviennent que rarement au même moment. Quand tu es en groupe tu t’arrêtes en général plus souvent et plus longtemps, mais surtout, tu dois gérer une dimension sociale alors que bien souvent tu as déjà du mal à te gérer toi-même. Bien que la compagnie puisse aider dans les moments difficiles, en ultra, on va souvent plus vite tout seul. Plus la course est longue, plus cela est vrai. Mais pour une course de 300km, participer en équipe peut être un vrai avantage car la fatigue extrême n’intervient pas et que le nombre d’arrêts est assez minime. Je suis curieux de voir si les équipes seront plus rapides ou non. Dans tous les cas l’objectif est clair : gagner !
Les premiers vont partir à 21h00 puis il y aura un départ toutes les 30 secondes. Mon départ est prévu à 21h46, je profite des deux heures qu’il me reste pour m’allonger et fermer l’œil et rejoins le départ une trentaine de minutes avant l’heure. Il y a une super ambiance, tout le monde s’encourage et un mélange d’inquiétude et d'excitation règne. Il faut dire que pour ça, les départs de nuit c’est plutôt chouette. L’heure arrive et il est temps pour moi de me diriger vers la ligne de départ. 21h46, le speaker fait le décompte, et hop, c’est parti pour 314km.
Étant parti dans les derniers de la catégorie solo, il y a une centaine de personnes devant moi et seulement une dizaine de coureurs en solo derrière. Tous les duos et quatuors sont également partis après moi. Mon coach, Loic, m’a dit de viser entre 280 et 300 Watts et de tenir ceci aussi longtemps que possible en sachant que l’effort devrait naturellement baisser lors des dernières heures. Mon record à l’entrainement est alors de 270 Watts pendant 8 heures. Je pense pouvoir tenir le rythme indiqué pendant plus ou moins 8h avant d’être contraint de voir mes Watts baisser pour les dernières heures de course. Pour l’instant, il ne pleut pas, je me lance avec détermination et enthousiasme pour ce qui s’annonce être une longue nuit.
Un départ toutes les 30 secondes implique qu'il y a une personne à peu près tous les 250m, j'aperçois devant moi une longue traînée de lumière rouge. Cela donne toujours un objectif, mais présente aussi un danger car il est vite arrivé de se prendre au jeu de constamment pourchasser la personne devant soi et de se cramer par la même occasion. J'essaie de m'en tenir aux consignes du coach, 300 Watts, max 320 Watts. Après 15 minutes de course, lors d'une descente, je perds une gourde qui s'envole suite au passage sur un gros dos d'âne. J'avais décidé de partir avec 2.5L d'eau, soit suffisamment pour tenir 4.5h. J'ai prévu 2 courts arrêts lors de cette course : le premier après 123 kilomètres (+-4h) et le deuxième au kilomètre 213 (+- 8h30). Je me dis que même avec une gourde de moins, je devrais arriver sans soucis au km 123 et décide de ne pas m'arrêter pour ne pas casser le rythme et perdre du temps, une erreur bien bête de débutant dont je vais payer le prix plus tard.
À ce rythme, je commence rapidement à dépasser de nombreux coureurs. Je dépasse à peu près une quinzaine de personnes dans la première demi-heure. C'est alors que la pluie commence, "une petite averse passagère" je me dis, me rappelant du briefing de course. Je réalise assez vite que la pluie est là pour rester et que celle-ci va probablement m'accompagner pour la longue traversée de Paris, une idée pas super réjouissante.
J'entre dans la banlieue parisienne après un peu plus d'une heure de course, il n'y a pour l'instant pas trop de trafic et je suis alors avec un groupe de 2-3 coureurs. C'est toujours stressant de traverser une ville pendant une course. Bien qu'il faille respecter le code de la route, on est quand même incité à ne pas le faire, le simple fait de voir un compétiteur griller un feu rouge encourage à faire de même. Heureusement, il n'y a pas trop de trafic. La traversée de Paris s'étend à peu près sur 70km en longeant principalement la Seine. Sous la pluie battante, je distance le groupe avec lequel j'étais et rattrape peu de temps après Pierre Yves, un local parisien dans la quarantaine qui participe à cette course pour préparer un Iron Man. Traverser la ville avec un local s'avère être un atout : il connaît toutes les astuces. Il sait quand griller un peu, quand dépasser une voiture, quand s'arrêter ou encore quand il faut faire attention. Une présence rassurante, surtout avec cette pluie et un trafic toujours croissant à l'approche du centre-ville. Une fois, alors que je ralentis en rattrapant une voiture, il me hurle depuis derrière "Oh tu fous quoi?! C'est pas la Suisse ici, dépasse par la gauche!". Ça me fait rire.
Peu après, on passe la Tour Eiffel et je finis par lâcher Pierre Yves qui s'arrête je ne sais pas trop pourquoi, je continue donc la traversée de la métropole française seul. Après une vingtaine de kilomètres de plus, le pire semble être passé. Le trafic est de plus en plus rare et je sens que je quitte progressivement le milieu urbain pour enfin rejoindre la campagne. À ce moment-là, cela fait un peu plus de 3h que je suis en route. La pluie reprend de plus belle et je n'ai aucune idée d'où je me situe au classement.
C'est alors qu'en sortant de la piste cyclable, je glisse et chute assez violemment. Une bête faute d'inattention de ma part. Heureusement, c'était sur un petit chemin, il n'y avait aucun trafic. Je me relève vite, récupère mon vélo, remets la chaîne, et repars tout de suite. Une fois remonté sur le vélo, je fais un petit état des lieux et je tire rapidement comme conclusion que, hormis quelques douleurs et petites égratignures, je n'ai rien de grave et que je suis en mesure de continuer la course. Le vélo, quant à lui, semble fonctionner normalement. Je m'en veux de l'erreur débile mais me dis que j'ai de la chance de m'en sortir comme ça. J'oublie vite la chute et les douleurs pour continuer sur le même rythme.
L'intensité de la pluie atteint son comble alors que je sors de Paris. Je suis trempé jusqu'à l'os. Je ne peux pas dire que je prends beaucoup de plaisir, mais à part ça, tout va bien et je me sens en forme. Après 100km de course, Paris n'est enfin plus qu'un mauvais souvenir et je reçois l'information qu'il n'y a déjà plus que deux coureurs devant moi. Cela me surprend car il ne me semble pas avoir dépassé plus de 90 personnes jusqu'ici, je suppose que beaucoup se sont arrêtés à l'abri pour laisser passer le pire de la pluie.
Mon premier arrêt est prévu au kilomètre 123 afin de remplir mes gourdes dans un cimetière repéré sur une carte au préalable. En France, les cimetières sont en général un repère fiable car il y a toujours un robinet destiné à l'arrosage. Suite à la perte de ma gourde plus tôt dans la course, j'ai à ce moment plus une goutte d'eau et compte vraiment sur ce cimetière pour faire le plein. Mais pas de chance, il y a bel et bien un robinet, mais il ne marche pas! Je repars les gourdes vides après 2-3 minutes d'arrêt complètement inutiles. Je n'ai pas trop de plan B, je décide de continuer et m'arrêter à la première fontaine. Je roule près de 2h avant d'enfin trouver une fontaine. C'est une fontaine d'eau non potable, mais tant pis, j'ai besoin de boire et je n'ai pas envie de perdre plus de temps. Je me dis qu'au pire je serai malade le lendemain, pas super intelligent, je sais. Pendant ces deux heures, j'ai rattrapé deux des trois participants encore devant moi, il n'en reste plus qu'un qui a une quinzaine de minutes d'avance. Il est ici important de rappeler qu'étant parti parmi les derniers, j'ai en réalité une avance confortable sur le participant se trouvant devant moi. Après 6h de course, vers 4h du matin, je suis en tête avec une avance de plus ou moins 20 minutes. L'autre bonne nouvelle est que la pluie commence à diminuer jusqu'à s'arrêter complètement. Ce n'est pas trop tôt!
Je suis tout de même déterminé à être le premier à franchir la ligne d'arrivée, je continue à pousser jusqu'au lever du jour où je finis enfin par rattraper le dernier participant vers 6h du matin. Je suis alors en course depuis un peu plus de 8h et mon compteur affiche 281 Watts de moyenne, je suis content. Il reste alors près de 90km à parcourir, soit un peu moins de 3h et je compte actuellement près de 40 minutes d'avance sur le deuxième. C'est après avoir rattrapé le dernier participant que mon rythme commence à baisser. Je ne sais pas si c'est dû à la fatigue ou à un relâchement de ma part. Probablement les deux. Dans tous les cas, cela semble être un problème récurrent chez moi : mon rythme baisse dès que je sens que la course est terminée. Il faudrait que je trouve des moyens de maintenir mon effort bien que le résultat semble scellé. Une preuve de mon relâchement est que je décide alors même de m'arrêter à une boulangerie pour acheter un coca et une tartelette aux framboises. Un arrêt vraiment pas nécessaire.
Les derniers 50 kilomètres sont parsemés de petites routes et chemins dans des conditions déplorables, sûrement à cause de la pluie, et il me faut plus de temps que prévu pour parcourir les ultimes kilomètres rejoindre l'arrivée. C'est finalement peu avant 9h du matin et après 10h58 de course que j'arrive à Chantilly. Je termine premier avec près de 45 minutes d'avance sur le deuxième au classement. Je termine également premier au scratch, c'est-à-dire devant tous les duos et quatuors. J'ai 11 minutes d'avance sur la première paire. Je suis satisfait de ce résultat, mais je suis d'autant plus content des presque 270 Watts de moyenne pendant 11h00 qui illustrent une belle progression depuis l'année passée. C'est encourageant pour la suite!
En arrivant, je fais le bilan physique d'une nuit humide sur le vélo. Je suis content de constater que je me sens plutôt frais, sans grosse fatigue ou signes d'épuisement. En revanche, les 10 heures de vélo complètement trempé m'ont laissé des irritations sévères au point qu'il aurait été difficile de repartir dans ces conditions. C'est un bon apprentissage car si cela devait m'arriver sur une course plus longue, je serais bien embêté. Il faut que je trouve des solutions pour pouvoir rouler longtemps sous la pluie sans trop m'abîmer. Si vous avez des conseils, je suis preneur.
J'ai dormi quelques heures à la base de vie avant de démonter mon vélo, faire mon sac et me diriger vers la gare pour rentrer satisfait à la maison, impatient de reprendre la préparation pour la Race across Belgium 500km du 10 Mai.
Vous trouverez les stats de le course et résultats en cliquant 👉 ICI
Mais je me rends vite compte que l'aventure n'est pas encore terminée… Après une journée de repos dimanche, c'est lundi soir que je décide de nettoyer et de remonter mon vélo. En faisant le bilan, je constate rapidement que le vélo a beaucoup souffert à cause de la pluie. Mais ça, je m'y attendais. C'est en observant le cadre de plus près que je constate que ma chute a eu plus de conséquences que je l'imaginais. En effet, je découvre une vilaine fissure dans le carbone en dessous de mon cadre. Cette fissure semble traverser plusieurs couches de carbone et compromet clairement l'intégrité du cadre.
Je me dis que j'ai eu de la chance de pouvoir rouler 200 km ainsi sans conséquences. Mais à ce moment, je suis surtout dépité car je réalise que c'est un problème qui ne sera pas facile à régler. Je suis censé reprendre l'entraînement le lendemain, mais il est clair que cela sera impossible. Avec la Race Across Belgium dans 10 jours, il faut que je trouve urgemment une solution pour monter un vélo au plus vite. J'ai un deuxième vélo, un Rose X-Lite 6, mais celui-ci n'était pas du tout configuré pour faire des ultras. Je décide de combiner les deux vélos en un en utilisant les meilleures pièces à ma disposition.
J'entreprends la longue tâche de démonter intégralement mes deux vélos et commence à reconstruire quelque chose. Je me rends vite compte que cela va être long et que, pour des raisons de compatibilité, il va me falloir commander pas mal de pièces. Cette histoire me rend fou et me porte un coup au moral. Cette Race across Paris passe d'une dimension positive à une dimension négative en l'espace de quelques heures. Je me dis alors que le résultat net de cette course est négatif car il retarde ma préparation et me coûte beaucoup d'argent et d'énergie. Je suis également dépité d'avoir cassé mon beau vélo.
Bref, après 3 jours et d'innombrables heures de bricolage, j'ai enfin terminé d'assembler un vélo. J'en sors avec un vélo d'une qualité équivalente au vélo cassé. Aussitôt le vélo terminé, je suis allé faire un Bike Fit chez le super Benjamin Coty, alias Physio Bike, pour ajuster ma position sur ce vélo Frankenstein. Bien que j'aie pu me mobiliser et trouver une solution rapidement, le tout me laisse avec un goût amer et me met de mauvaise humeur. Je ne suis pas du tout dans un état d'esprit idéal pour reprendre la préparation et faire le nécessaire avant la Race across Belgium.
Mais, suite à une discussion très intéressante avec mon psychologue, je réalise que mon pessimisme et ma vision négative des faits n'ont pas lieu d'être. Il m'aide à me recentrer et à reconstruire les faits sous un angle positif. C'est un bon apprentissage sur la gestion des imprévus et des contretemps. Je dois apprendre à accueillir les émotions négatives, les constater pour ensuite être capable de prendre de la distance et de m'en détacher. La clé est de reconnaître le moment où ces émotions interviennent. Cela serait sans aucun doute un atout très utile dans le cadre des courses d'ultra, lors desquelles le flux d'émotions positives et négatives est constant. À travailler!
Je reprends finalement l'entraînement avec un beau vélo et de l'enthousiasme le vendredi 3 mai pour préparer la Race across Belgium 500km qui aura lieu le 10 mai.
L’objectif sera le même: gagner!
Gros bisous et merci pour le soutien!
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